Inauguration(s) – Acte I du 21e Site – La Cour du Maroc

Le 23 mars a vu le premier d’une série d’actes pour faire de la Cour du Maroc, lieu de distribution quotidienne des petits déjeuners solidaires dans les Jardins d’Éole, un haut lieu de l’hospitalité. C’était un acte inaugural, couronné par l’installation d’une plaque, dessinée par Paul Laminie et Angelo de Taisne, qui annonce une intention et une exigence : l’acte hospitalité devrait être inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. 

Ce conditionnel exprime bien une mise en accusation des pouvoirs publics qui bafouent autant les droits de tout demandeur d’asile que les devoirs d’une société qui se veut libre, égalitaire et fraternelle. Et en même temps une perspective d’inscription effective d’un ensemble ainsi constitué d’actes tous azimuts avec lesquels il s’agit de déjouer les écueils des politiques actuelles et de restaurer du possible là où tout concourt à réduire le champ de nos actions et la portée de nos discours. C’était aussi l’occasion de renouer avec des ami.e.s longtemps associé.e.s aux distributions dans le quartier, de manger des crêpes et de jolis fruits ensemble, de couvrir le gris morne d’un jardin malmené à plein d’égards de couleurs, d’animation et de pas de danse…

Ça ne fait que commencer… et voilà belle lurette que ça dure.

Cet acte était le premier d’une série. Et en même temps il ne s’agissait que de faire en plus « coloré », en plus « bruyant », ce qui se fait tous les jours depuis longtemps et qui s’appuie sur des luttes menées pour et dans ce jardin depuis plus de vingt ans. C’est aussi cette histoire multiple qu’il s’agit de retrouver sous le triste aspect auquel le jardin a été réduit par une politique d’empêchement et de séquestration des espaces.

Quelques jours plus tard, lors d’un atelier avec des exilés à la bibliothèque Vaclav Havel, autre haut lieu de l’hospitalité dans ce quartier d’accueil qui est La Chapelle, on s’est retrouvé dans une autre sorte d’inauguration et troublés un instant devant les mots « la première fois », rencontrés dans un livre. Comment expliquer l’idée d’une première fois quand on partage seulement quelques mots et qu’on ne sait rien de la vie de l’autre ? Et pourtant on était dedans, autour d’une table pour une « première fois », celle de prendre un pinceau et de peindre. Quoi ? Ce qu’on voulait, ce qui venait. Il y a eu des montagnes, des bateaux, des avions, des animaux, des oiseaux. Il y a eu aussi des récits. Des choses qu’on a choisies ce jour-là de consigner dans le livre qu’on était en train de fabriquer et qui trouvera sa place dans les fonds de la bibliothèque. C’était la même chose le matin du 23 mars, une prolifération de choses partagées, des dessins, des gestes, des mots. Et au final, un petit accrochage entre deux poteaux de toutes les visions du monde que nous avons fabriquées ensemble le temps d’une matinée.

Peut-être que le moment de travail collectif à la bibliothèque restera une seule et unique fois pour cette configuration de personnes. Peut-être que cet accrochage sur un bout de fil restera le seul “lien” entre les participants. Ce n’est pas grave, car chaque inauguration est aussi la relance et la transformation de ce qui existe déjà. On a peut-être oublié que les jardins d’Éole s’appelaient la Cour du Maroc, mais voilà que cette bribe d’une histoire longue du quartier refait surface dans la dynamique du 21site, lancée le PEROU avec les Petits Déjeuners Solidaires par l’appel Re-Embellir, et nous donne un nouvel élan. Une nouvelle matière pour raconter nos histoires.

Les archives du peuple s’écrivent et se constituent sous toutes les formes. L’acte I du 21Site est venu se placer dans cette continuité sans fin et sans mot d’ordre d’un quartier d’accueil depuis longtemps en voie de devenir.